Chapitre 1 : Une arrivée mouvementée.

Je m'appelle Niji et, bien que née dans un Japon profondément meurtri par la défaite, j'ai toujours été une fille gaie. À moins que ce ne soit justement à cause de ça ... Puis, comme les enfants de ma génération, j'ai grandi et aujourd'hui, je suis une scientifique reconnue. Je passe mon temps libre à préparer mes conférences ... En tout cas, c'était le cas avant ça. En effet, depuis quelques semaines, tout a changé pour moi. J'étais en vacances, si l'on peut dire, sur une petite île de la Méditerranée quand, un matin de début de printemps, tout a basculé … J'étais sortie me promener dès les premières lueurs du jour, ce matin-là. Direction, le port de pêche. Je voulais voir les bateaux s'éloigner. J'aurais mieux fait de rester couchée !

- « Petite madame ! – me dit, dans un anglais plutôt bancal, l'un des trois pêcheurs que je regardai larguer les amarres de leur minuscule embarcation – La journée va être chaude, alors restez bien à l'intérieur ! »

Si ils avaient su à quel point … Je m'apprêtai à suivre leur conseil quand je sentis le sol se dérober sous mes pieds : un séisme. Mon enfance me revînt en mémoire et j'entendis la voix de Yamato-sensei, mon professeur, qui nous récitait sans faillir les instructions de sécurité : " Sous les tables, faites l'œuf et attendez qu'un adulte vous le dise pour sortir ! ". Du regard, je cherchai rapidement l'endroit le plus sûr ... Rien ! Alors, je m'accroupis là où j'étais pour ne pas tomber et j'attendis que les secousses cessent enfin. C'est alors que je sentis la chaleur qui m'environnait. Je craignis un instant qu'un incendie se soit déclaré à proximité. Dès que le sol se stabilisa, je levai les yeux. Je ne reconnût rien du paysage qui m'entourait quelques secondes plus tôt. Les hauts bâtiments s'étaient tous volatilisés, et la ville moderne s'était métamorphosée en un hameau où aucune des maisons n'avait plus de deux étages. L'herbe sur le bord des chemins était cuite par un soleil brûlant et déjà haut, très haut … trop haut pour la saison !

- « Où suis-je ? – me demandai-je en regardant un peu mieux les environs. La mer, toute proche l'instant précédent, s'était éloignée d'une bonne cinquantaine de mètres – Mais que se passe-t-il donc ? ... »

Une voix masculine interrompît là mes questionnements. Même si je ne compris absolument pas ce qu'il me disait, je levai les yeux vers celui qui me parlait. Il était accompagné d'un autre homme. Leurs costumes étaient étranges. On eût dit qu'ils jouaient dans un documentaire sur l'Antiquité grecque. L'homme répéta sa phrase, qui devait signifier quelque chose comme :

- « Qui va là ? »

Je grimaçai, espérant qu'il comprenne que je ne parlai pas la même langue que lui. Soudain, son compagnon me saisit par le bras et me força à me relever avant de me pousser devant lui. Je murmurai :

- « Où m'emmenez vous, messieurs, s'il vous plaît ? »

Comme je me l'imaginai, aucun d'eux ne répondît à ma question. Je répétai la même phrase dans toutes les langues que je connaissais. Ils ne parlaient ni le japonais, ni l'anglais, ni le français, ni même le grec, quoique cette dernière langue les fit réagir un peu plus. Ils me menèrent, sans grand ménagement, jusqu'à une bourgade plus importante où les bâtiments de pierre côtoyaient les maisonnettes en bois et en torchis. L'un des bâtiments, gigantesque et construit sur une hauteur, était apparemment au centre de la vie locale et c'est vers celui-ci que nos pas se dirigèrent naturellement. Mes deux "guides" étaient aussi silencieux que des statues de sel. Nous atteignîmes l'entrée et je m'arrêtais, stupéfaite, en découvrant la porte de bois ouvragé et rehaussé de feuilles d'or fin. Elle devait mesurer douze mètres de haut et presque autant de large. De chaque côté, deux hommes, vêtus eux aussi à la mode antique, se tenaient immobiles. Ceux qui m'accompagnaient les saluèrent et discutèrent quelques instants avec eux, me désignant à plusieurs reprises de la main.